Quatre femmes de choc à l’œuvre au restaurant Bären
Il était une fois l’hôtel «Bären», situé à la sortie du bourg de Herisau, le chef-lieu du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. Ce dernier a dû faire place à un lotissement comportant, entre autres, des logements spécialement conçus pour des personnes à besoins particuliers – et abrite par ailleurs le nouveau restaurant «Bären» où travaillent quatre femmes tout à fait extraordinaires.
«J’ai d’abord dû m’y habituer», nous dit la chauffeuse de taxi qui nous mène de la gare de Herisau, à travers une zone artisanale, jusqu’à l’Alpsteinstrasse, l’artère qui sort de la ville en direction d’Urnäsch et d’Appenzell. Début 2021, les machines de construction ont détruit l’ancien «Bären», un hôtel traditionnel désormais désuet où l’on se retrouvait pour jouer aux cartes ou célébrer carnaval. À son emplacement se dresse désormais le nouveau lotissement Bären. La conductrice ajoute qu’entre-temps, elle a appris à apprécier l’architecture du lieu. Cet ensemble de bâtiments de quatre étages, groupés autour d’une cour intérieure, est résolument moderne et ne s’en cache pas. Ses teintes brunes ainsi que le généreux recours au bois font naître une impression générale campagnarde, sans pour autant être rustique.
Un maître mot: inclusion
Le lotissement ne comprend plus d’hôtel, mais une succursale du CMS ainsi que 50 logements d’une à trois chambres situés aux étages supérieurs; actuellement, il est possible de louer à très court terme dix studios sur le site booking.com. Notons qu’il ne s’agit pas là d’un bâtiment locatif «usuel». En effet, la société d’exploitation covai AG a conçu 40 logements destinés tout spécialement à des personnes à besoins particuliers. Ces dernières bénéficient d’un assortiment complet de prestations d’encadrement et de soin.
Selon la vision du constructeur, René Raguth Tscharner, entrepreneur de construction, promoteur immobilier et propriétaire de la société covai AG, le lotissement Bären doit permettre la cohabitation vivante de personnes en situation de handicap et d’autres personnes en parfaite santé. La société covai AG «s’engage en faveur d’une société dans laquelle des personnes tributaires d’aide et de soins peuvent également participer à la vie locale», explique l’entreprise. Sa raison sociale «covai» vient d’ailleurs du rhéto-romanche et signifie «comment ça va?»
Le nouveau restaurant situé au rez-de-chaussée a été inauguré début septembre 2023. Il est placé sous la direction de Manuela Loacker et contribue également à mettre en œuvre ce concept d’inclusion. Il dispose d’une salle séparée dans laquelle les locataires covai peuvent se restaurer quotidiennement, à midi et le soir. «Ici, tout le monde est traité de la même façon, quel que soit l’endroit d’où l’on vient», souligne Manuela Loacker. C’est la raison pour laquelle les menus sont les mêmes pour les hôtes covai qui se restaurent dans la partie arrière du restaurant que pour les clients externes qui sont reçus dans la partie avant. De plus, il est possible de réserver une grande salle spécifique pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes lors de manifestations d’entreprise, de fêtes d’anniversaire ou familiales ou encore pour des séminaires organisés pour un prix forfaitaire à la journée.
Terrible coup du sort
L’inauguration du restaurant du 1er septembre 2023 aura été précédée d’un terrible coup du destin: début juillet, en pleine phase terminale des travaux de construction, René Raguth Tscharner est décédé d’un accident de la route. «Cela nous a tous profondément affectés», se souvient Manuela Loacker. «Heureusement que j’ai pu faire la connaissance de René auparavant. Il restera toujours présent dans nos cœurs et nous continuons à réaliser ses idées et ses visions.» Pour le restaurant «Bären» et le Grizzly Bar, la décision a été prise de mélanger des éléments neufs et anciens. Ainsi, les tables sont en bois et de nombreux sièges ont la forme des tabourets traditionnels de la région. Les parois sont, elles aussi, revêtues de bois. «Il s’agit là du bois provenant de l’ancien ‹Bären», nous explique la cheffe de cuisine Alina Rüdlinger. «Il a été récupéré, stocké, traité et représente ainsi désormais un lien vers le passé.»
Alina Rüdlinger n’est âgée de que 24 ans et l’on se demande comment cette cheffe de cuisine a réussi à faire autant d’expériences professionnelles en si peu de temps: «Inspirée par une merveilleuse enseignante d’économie familiale», elle a décidé de faire un apprentissage de cuisinière auprès de l’hôtel et clinique Oberwaid, situé dans les faubourgs de la ville de Saint-Gall. Par la suite, elle a fait un stage dans la cuisine de l’hôtel cinq étoiles «Traube Tonbach» à Baiersbronn, en Forêt-Noire, qui arbore trois étoiles Michelin. Plus tard, elle a travaillé dans une autre auberge «Bären», à savoir celle de Gonten (AI). Entre ces divers engagements, elle aura eu le temps de faire divers voyages de plus ou moins longue durée à travers l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.
Plus sain et plus rapide
Au «Bären», Alina Rüdlinger gère ce que l’on appelle une cuisine-système. On y prépare des mets en grande quantité qui sont ensuite soumis à une congélation rapide en portions à moins 40°C. Ces derniers sont ensuite décongelés lorsqu’un client en passe commande. Cette méthode offre plusieurs avantages: la cuisine peut travailler de manière différée dans le temps. Les clients at[1]tendent moins longtemps leur repas. Les produits alimentaires se conservent plus longtemps, ce qui implique une réduction du gaspillage alimentaire. De plus, ces produits alimentaires sont également plus sains: «La congélation rapide permet de conserver davantage de substances minérales et de vitamines», précise la cheffe de cuisine. À midi, l’établissement propose cinq menus, le menu végétarien au prix de 20 francs, le plat de viande le moins cher à 22 francs, dans les deux cas avec potage et salade. Les menus de la carte de midi peuvent se commander tous les jours, c’est-à-dire également le samedi et le dimanche jusqu’à 17 heures. Bien évidemment, les clients sont toutefois également les bienvenus s’ils se contentent de commander un café ou une bière, précisent les patronnes du «Bären».
En soirée, le service se fait à la carte. Un gril moderne et imposant situé entre le restaurant et la cuisine, mis en fonction tous les jours à 17 heures, souligne l’un des points forts du «Bären»: la carte du soir propose, entre autres, un filet de bœuf, du fromage feta et du tataki de bœuf rôtis au feu de bois. Le tataki est un mode de préparation de la viande originaire du Japon. Toutes les viandes proviennent exclusivement de Suisse. Ce tataki reflète également une autre caractéristique du «Bären»: la cuisine d’Alina Rüdlinger se propose de réinterpréter les mets suisses en intégrant harmonieusement à ces derniers des influences étrangères. Le poulet au chimichurri en est un bon exemple: «Je connais cela d’Argentine», nous confie-t-elle. Ainsi, le «Bären» sert à ses clients des mets que l’on ne préparerait pas forcé[1] ment soi-même à la maison. Les premières réactions ont été très positives, se réjouit la cuisinière: «Je reçois ainsi des compliments tels que: enfin une cuisine qui sort un peu de l’ordinaire.» Alina Rüdlinger bénéficie d’une grande liberté pour concevoir ses menus et déterminer leur prix. Elle s’en réjouit: «J’apprécie d’avoir cette liberté. Elle me permet de travailler en déployant un maximum de créativité.» Quant aux recettes WIR encaissées auprès de quelques clients, la cheffe de cuisine les dépense par exemple auprès du marché en gros où elle achète les produits dont elle a besoin.
Ambiance détendue et familiale
Alina Rüdlinger a également réussi à engager sa nouvelle directrice du restaurant Cohana Steingruber dont elle a fait la connaissance au «Bären» de Gonten. Cette dernière souligne que le travail au sein de l’établissement est hautement professionnel, même s’il est souhaitable qu’il y règne une ambiance détendue et presque familiale: «Ici, tout le monde se tutoie; il faut que les clients se sentent ici comme à la maison.» Avec la directrice du restaurant, Madame Loacker, et la cheffe du Grizzly Bar, Petra Petrovic, la direction de l’auberge du «Bären» est donc exclusivement féminine. La nouvelle de la qualité de l’assortiment et de l’ambiance très agréable qui règne au «Bären» à Herisau s’est très rapidement répandue. L’établissement accueille déjà des clients venant de très loin à la ronde. Voilà pourquoi les quatre femmes d’exception actives au restaurant sont très satisfaites, jusqu’ici, de la marche de leurs affaires
Photos: Henry Muchenberger
Ces articles pourraient également vous intéresser :
Bien plus qu’une maison appenzelloise
Hôtel Beaulac: Havre de paix créative et ambiance urbaine à Neuchâtel
Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaires sur cet article.