Le stress et le smartphone sont les ennemis du sommeil
L'hygiène du sommeil est importante pour les chefs d'entreprise qui sont au bénéfice de suffisamment d'heures de sommeil. Des collaborateurs reposés sont également un grand atout pour les entreprises.
Les insomnies sont répandues: chaque troisième personne dort mal, voire très mal. Des troubles de la concentration et une capacité de réflexion ralentie sont des conséquences des insomnies, ce qui se traduit à la place de travail par une réduction des performances et un taux d’erreurs plus élevé. Les coûts provoqués dans les bureaux et les ateliers par des employés qui n’ont pas assez dormi et n’arrivent pas à se concentrer sont estimés en Suisse à environ 1,5 milliard CHF par an. Les chefs d’entreprise au bénéfice de suffisamment d’heures de sommeil pourraient donc être bien conseillés d’intégrer le sommeil dans le quotidien de l’entreprise et de mettre en place, par exemple, des zones de repos. Cependant, ce sont souvent des managers et des chefs d’entreprise qui considèrent le sommeil comme un effet secondaire improductif et indésirable et font leur possible pour l’éviter. Lors d’une manifestation Business Event WIR du WIR-Network Olten-Soleure-Haute-Argovie, le professeur Christian Cajochen, chercheur en matière de sommeil, a présenté certains pans de son activité de recherche (cf. WIRinfo 9/2018) et a répondu aux questions suivantes. Tout comme Marc K. Peter (FHNW), Christian Cajochen fera également partie des invités du WIR-KMU-Talk du 16 octobre. Cette manifestation sera retransmise sur le WIRblog et Facebook.
« Le stress est le facteur principal des problèmes de sommeil.»
Les PME suisses sont innovantes, compétitives – bref, reposées. Que doit faire un chef d’entreprise pour dormir suffisamment malgré le stress?
Christian Cajochen: Le stress est le facteur principal des problèmes de sommeil. Une réponse brève: il faut, si possible, essayer de laisser le stress devant la porte de la chambre à coucher. Quant au chef d’entreprise, il doit accepter que le sommeilsoit un facteur important pour la santé.
Comment laisser le stress devant la porte de la chambre à coucher?
Ce n’est pas simple. Il faut essayer de se détendre correctement. Il est également important que l’on soigne une certaine hygiène du sommeil. Tout comme l’on suit certaines règles lors de l’alimentation, il faudrait faire de même pour le sommeil.
Quelles sont donc les principales règles de comportement à observer pour le sommeil?
Tout d’abord, il ne faut pas ressentir le sommeil comme quelque chose de désagréable, quelque chose qu’il faut encore faire alors qu’on ne dispose pourtant pas de suffisamment de temps. Les sept ou huit heures de sommeil par jour sont là pour permettre à l’homme de se reposer. Ensuite, il faut des heures de sommeil régulières. Ainsi, le corps peut mieux se préparer à certaines situations de stress. Lorsqu’il a suffisamment dormi, l’être humain est beaucoup plus résistant au stress.
Il y a eu un temps où les managers et les chefs d’entreprise clamaient fièrement qu’ils se contentaient de trois ou quatre heures de sommeil. J’ai l’impression d’entendre actuellement moins souvent de telles déclarations. Cette population a-t-elle changé d’avis ou n’est-ce que ma propre impression?
Non, j’ai également cette impression. Il y a dix ans, on entendait de telles déclarations beaucoup plus souvent qu’aujourd’hui. Il y a eu, à l’époque, des cas tragiques et fatals de managers souffrant de troubles massifs du sommeil qui se sont suicidés. Je pense que les gens sont plus conscients, ces derniers temps, du travail que les chercheurs en matière de sommeil ont fourni et de l’importance que revêt le sommeil. Je connais aussi des managers et des entreprises qui tiennent compte de l’aspect du sommeil dans leur quotidien et réfléchissent par exemple à un concept d’éclairage adéquat et à l’aménagement de l’espace de travail. Pas mal de choses se font dans ce domaine.
Les zones de repos au sein d’une entreprise en font-elles également partie – de telles zones existent-elles en Suisse?
Oui, il y a des entreprises qui ont des zones de repos. Cependant, il faut alors également disposer d’un éclairage adéquat et proposer la bonne alimentation. En effet, ce sont là des facteurs qui ont une influence positive sur l’ensemble du rythme du sommeil. De plus, il convient également de revoir et d’individualiser les modèles de temps de travail. Les gens du matin travaillent tout simplement à d’autre moments que les gens du soir.
«De nos jours, le smartphone nous accompagne pratiquement depuis le berceau et nous sommes devenus une véritable société enchaînée au smartphone.»
Que dites-vous au chef d’entreprise qui a peur de rater une commande et dort ainsi pratiquement avec son smartphone?
Cela n’arrive pas qu’au chef d’entreprise. De nos jours, le smartphone nous accompagne pratiquement depuis le berceau et nous sommes devenus une véritable société enchaînée au smartphone. Il s’agit d’une réalité avec laquelle nous devons apprendre à vivre. Toutefois, j’ai aussi l’impression d’assister en de nombreux endroits à un changement de mentalité. Il existe même déjà des écoles qui appliquent certaines règles relatives à l’usage du smartphone. Je ne sais pas comment cette situation va évoluer. Ce qui est sûr, c’est que pour certaines personnes, le smartphone est le pire ennemi du sommeil.
Vous êtes le directeur du Centre de chronobiologie auprès des Cliniques Psychiatriques Universitaires UPK à Bâle. Cela signifie-t-il que les gens souffrant de problèmes de sommeil ont un problème psychique et devraient consulter un psychiatre?
Non, pas du tout. Nous sommes rattachés aux UPK parce que la recherche sur le sommeil, historiquement, est issue de la psychiatrie. De nombreuses personnes souffrant de problèmes psychiques ont également des troubles du sommeil, surtout les patients dépressifs. Toutefois, vous pouvez également avoir des troubles du sommeil sans pour autant avoir un problème psychique. Cependant, il existe en Suisse de nombreuses excellentes cliniques du sommeil certifiées qui ne sont pas rattachées à une clinique psychiatrique.
Comment remarque-t-on que l’on souffre d’un trouble du sommeil?
La somnolence diurne est un tel indicateur: si l’on ne fonctionne plus correctement pendant la journée parce que l’on est fatigué sans savoir pourquoi et si l’on n’a plus la possibilité de se battre contre la fatigue. Une personne a également un problème si elle a de la peine à s’endormir ou si elle se réveille fréquemment durant la nuit, c’est-à-dire si elle souffre d’un trouble du sommeil continu. Cela peut arriver de temps à autre et ce n’est pas grave pour autant. Si toutefois ces troubles durent plus de deux mois, il faut les prendre au sérieux.
Faut-il d’abord aller consulter son médecin de famille?
Oui, on consulte le médecin de famille. Malheureusement, il arrive alors trop souvent que ce dernier prescrive simplement un somnifère. Dans de nombreux cas, il serait préférable que le patient soit confié à un médecin du sommeil. De manière générale, je dirais que les généralistes ne se renseignent pas suffisamment quant à la qualité du sommeil, bien que cette question devrait être l’une des premières à être posée. En effet, le sommeil est une fenêtre sur notre santé psychique et corporelle.
Y a-t-il une différence entre les femmes et les hommes?
Oui, cette différence existe lorsque l’on s’enquiert de la qualité du sommeil. Les femmes se plaignent plus fréquemment de troubles du sommeil que les hommes, surtout lorsqu’elles sont âgées. Dans le cadre de nos études réalisées dans notre laboratoire du sommeil, nous ne constatons toutefois aucune différence entre les sexes. Apparemment, la différence réside seulement ou en première ligne au niveau de la perception.
Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaires sur cet article.