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Comment Berne se mue en capitale du vélo

26 min.
Vogel

de Artur K. Vogel

3 articles

La Ville de Berne s’est fixé pour objectif de devenir également la «capitale suisse du vélo». Au cours des dix dernières années, la ville a ainsi investi des millions dans l’amélioration des infrastructures cyclistes. Quoi qu’il en soit, il reste encore beaucoup à faire.

Berne veut devenir la plus attrayante ville de Suisse pour les cyclistes. La Municipalité, le Parlement et l’administration ont ainsi lancé en 2014 leur «offensive vélo». L’extension massive des infrastructures cyclistes vise, entre autres, à faire passer la part des trajets que les Bernois parcourent à vélo de 11 à 20% en 2030. Selon une étude conduite par l’Université de Lausanne, la ville avait déjà presque atteint cet objectif en 2021 – raison pour laquelle l’organisation de défense des intérêts des cyclistes Pro Velo prétend que l’objectif n’était pas suffisamment ambitieux et devrait être porté à 30%.

Les touristes sont également visés

À long terme, le vélo et les transports publics devraient remplacer à Berne le trafic motorisé privé. L’urbaniste Karl Vogel rêve d’une situation où seuls les biens et les personnes souffrant d’un handicap seraient déplacés en voiture. De plus, la ville de Berne et ses collines environnantes devraient également attirer les touristes. «Nous misons sur le vélo depuis 2019», dit Hannes Schertenleib qui travaille en tant que directeur de projet «e-bike» à l’office du tourisme, Bern Welcome. «Nous entendons encourager le tourisme lent et durable.»

M. Schertenleib se dit convaincu que les trafics cyclistes local et touristique sont directement liés: «Plus les indigènes sont à l’aise, plus les touristes le seront également. » Les offensives cyclistes touristiques ont d’ailleurs été lancées avant les offensives municipales: la première «Route du coeur» date d’il y a vingt ans. Entre-temps, Bern Welcome a lancé dix tours à vélo intitulés «Super circuits e-bike» faisant le tour de la ville fédérale. Différentes cartes routières détaillées sont distribuées dans ce contexte, qui comportent également les adresses de restaurants, de magasins de village ou de ferme, d’hébergements possibles, de magasins de vélo, de places de grillade et de pique-nique ainsi que diverses attractions.

Le distributeur de vélos électriques m-way, avec ses plus de 30 points de vente en Suisse et son commerce en ligne en croissance constante, est un bon indicateur de l’importance que prend Berne en tant que ville du vélo. M-way a inauguré en été dernier sa plus grande filiale de Suisse sur le site de Bernexpo. Plus de 100 vélos électriques des marques les plus diverses y attendent le client. Une surface de vente aux dimensions généreuses et un atelier de 300 m2 sont destinés à offrir à la clientèle une expérience d’achat et de service tout à fait nouvelle en son genre.

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1/2 Pour traverser le carrefour Forsthaus en toute sécurité, les cyclistes disposent de leur propre piste. Photo: Marco Zanoni

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2/2 Le principal tracé cycliste bernois Länggasse–Bremgartenwald se distingue par une piste cyclable marquée en continu. Photo: Velohauptstadt

«Il reste encore quelques endroits délicats»

Mais que ressent un cycliste à Berne? «Je ne suis pas un fanatique Vert de gauche», affirme par exemple Andreas Graf. Il possède également une Giulietta d’Alfa Romeo pour les trajets quotidiens, un cabriolet Alfa Spider de 50 ans pour les excursions estivales et deux motos: une Ducati moderne et une BMW R50 qui est nettement plus jeune que son propriétaire. «Véhicules à moteur, vélo, transports publics – je choisis mon moyen de transport en fonction des circonstances», souligne ce paysagiste né en 1954 qui est également dessinateur, peintre, galeriste, bassiste dans un groupe de rock et chansonnier.

M. Graf enfourche son vélo presque quotidiennement. Il l’utilise systématiquement pour se déplacer au centre et dans les environs de Berne, préserver l’environnement, se maintenir en forme physique ainsi que pour des raisons pratiques. Il a acheté son premier vélo très tôt: «Avec le salaire gagné avec mon premier petit boulot de vacances, je m’étais acheté à l’époque un vélo trois vitesses pour le prix de 300 francs.»

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Le Bernois Andreas Graf choisit son mode de transport – le vélo, la moto ou la voiture – en fonction des circonstances. Photo: màd

Selon Andreas Graf, les infrastructures réservées aux deux-roues se sont fortement améliorées. Toutefois, il subsiste encore de nombreux endroits assez délicats. Lorsque M. Graf veut rouler à vélo de son appartement situé dans le quartier de Schönburg jusqu’à la gare, il doit contourner le giratoire de la Viktoriaplatz. Ce de nier vient d’être réaménagé, mais il n’est toujours pas optimal pour les cyclistes. «Aujourd’hui, on le réaliserait sans doute de manière différente», concède Stephanie Stotz, la responsable du service Trafic piétonnier et cycliste de la Ville de Berne. Mme Stotz souligne qu’il faut compter en règle générale de dix à quinze ans entre la première planification d’une place et sa réalisation. «Dans cet intervalle de temps, il est tout à fait probable que l’on tire de nouveaux enseignements.»

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Même dans la capitale des deux-roues qu’est Berne, il y a encore des lieux qui restent très délicats pour les cyclistes, par exemple devant la tour «Zytglogge» où se croisent piétons, cyclistes, voitures et trams. Photo: iStock

Lorsque M. Graf descend le pont Kornhaus, il arrive à la Kornhausplatz. Là, devant le Théâtre municipal et le Kornhaus, vis-à-vis des restaurants de longue date que sont le «Ringgenberg» et le «Café des Pyrénées», il se trouve confronté à une situation assez particulière: des rails de tram suivent des bordures de trottoir très élevées qui permettent aux usagers des transports publics de monter plus facilement dans le tram. Cela ne laisse toutefois que peu de place aux cyclistes. En échange, ces derniers ont l’autorisation d’emprunter le trottoir assez large où ils entrent toutefois en conflit avec les piétons.

 

La prochaine difficulté les attend quelques mètres plus loin: au carrefour de la Zytglogge, les rails de tram venant du pont Kornhaus se réunissent avec ceux venant du pont Kirchenfeld afin de suivre ensemble la Marktgasse en direction de la gare. Il en résulte un enchevêtrement de rails presque indescriptible. Autour de la gare, la situation n’est guère meilleure pour les cyclistes, tout comme sur la Bubenbergplatz et au Hirschengraben. Là-bas, il est prévu de réaliser une amélioration en lien avec le réaménagement de la place de la gare, mais cela risque fort de durer encore bien plus qu’une décennie.

Forte augmentation du trafic cycliste

Andreas Graf fait partie du groupe de plus en plus important des cyclistes circulant à Berne. Si le trafic cycliste a autant augmenté, c’est directement dû à l’offensive vélo de la ville, estime Stephanie Stotz: «Plus la ville s’engage en faveur du vélo, plus le nombre de cyclistes augmente», est-elle convaincue. Elle est également bien consciente que cette augmentation implique aussi de nouveaux défis: «À Berne, la part des cyclistes dans l’ensemble des usagers de la route augmente désormais si rapidement que nous ne parvenons plus à suivre avec l’aménagement des pistes cyclables.» C’est aussi ce que déplore Pro Velo Berne: selon elle, la ville fédérale «est encore très loin d’avoir atteint le but d’offrir à tous les cyclistes des infrastructures sûres.»

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1/2 La ville de Berne compte actuellement huit tracés cyclables dans les zones à 30 km/h. Photo: Velohauptstadt

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2/2 Les vélos ont également besoin de places de parc. Jusqu’en 2030, il est prévu de créer de l’espace tout autour de la gare de Berne pour un total de 10 000 vélos. État à ce jour: 4700. Photo: Velohauptstadt

L’objectif: 100 km de pistes cyclables

Un plan directeur très détaillé datant de fin 2020, actualisé en permanence, indique quelle devrait être l’évolution. Il est ainsi prévu, entre autres, de réaliser un réseau dense de routes cyclables principales, de pistes cyclables et de bandes cyclables qui devraient finalement représenter environ 100 kilomètres. Seuls 15% sont pour l’instant déjà réalisés, précisait l’urbaniste bernois Karl Vogel dans une interview qu’il nous a accordée à la fin de l’année dernière. L’important est surtout de séparer les usagers de la route motorisés et les cyclistes, de créer des carrefours et des bifurcations sûrs pour les cyclistes, de mettre en place des giratoires sûrs afin d’offrir également une certaine sécurité aux usagers de la route les plus vulnérables. «De l’âge de 8 à 80 ans», tout le monde devrait pouvoir se déplacer à vélo.

Le cyclisme, une affaire sociale

Ces objectifs sont à la fois ambitieux et partiellement irréalisables. Ainsi, les routes principales cyclistes devraient avoir une largeur de deux mètres et demi afin que les vélos électriques plus rapides puissent dépasser sans danger les vélos plus lents. Il devrait également être possible pour deux cyclistes de rouler côte à côte car «faire du vélo, c’est aussi une affaire sociale», estime Stephanie Stotz. Pour des raisons liées aux exigences de construction, cela n’est tout simplement pas possible en de nombreux endroits. Berne est une ville fondée au Moyen Âge qui ne peut pas choisir librement son développement parce qu’elle est inscrite au Patrimoine culturel mondial de l’Unesco.

De plus, il est prévu d’appliquer peu à peu et dans toute la ville la vitesse de 30 km/h. À ce moment-là, les voitures ne se déplaceront pas plus rapidement que les vélos électriques, ce qui réduirait le danger de collision. Le lobby des automobilistes combat toutefois vigoureusement cette idée.

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Le cyclisme est une affaire éminemment sociale. À Berne, il est ainsi prévu de réserver, dans la mesure du possible, une largeur de 2,5 mètres pour les pistes cyclables, afin que l’on puisse rouler côte à côte ou dépasser sans risque d’autres cyclistes plus lents. Photo: velohauptstadt

Adaptation de la signalisation

La signalisation est un autre thème à aborder. Les pistes cyclables régionales sont très bien signalisées; cette signalisation est de la responsabilité de SuisseMobile, le réseau national pour la mobilité douce. Dans les villes elles-mêmes, il existe encore un très grand potentiel d’amélioration. «Un réseau cycliste n’est sûr et utilisable par tous que si les cyclistes savent toujours ce que l’on attend de leur part et où ils doivent rouler», explique Stephanie Stotz. Une demande de crédit pour l’amélioration de la signalisation a d’ores et déjà été déposée. Toutefois, le projet ne pourra être réalisé au plus tôt qu’à partir de l’hiver 2024/2025.

Les automobilistes ne changent guère de moyen de transport

Le boom cycliste comporte un problème: Andreas Graf et d’autres cyclistes plus âgés représentent le cycliste type, alors qu’il est beaucoup plus difficile de convaincre les plus jeunes générations d’adopter le vélo. Il est vrai que les enfants sont des enthousiastes du vélo, concède Stephanie Stotz. Cependant, en grandissant, ils délaissent de plus en plus ce mode de transport. Décision a donc été prise de combattre cette évolution avec des campagnes ciblées dans les écoles. De plus, des enquêtes déjà plutôt anciennes suggèrent que ce sont avant tout les piétons et les utilisateurs des transports publics qui adoptent le vélo alors que ce n’est que très rarement le cas des automobilistes. Là aussi, il faudra faire un sacré travail de persuasion.

«Nous avons bien avancé, mais nous sommes encore très loin du but», résume Stephanie Stotz. Il subsiste encore de nombreux dangers et de nombreuses améliorations ne sont encore que provisoires. Néanmoins, elle s’en dit convaincue: «En 2030 environ, Berne sera à un niveau dont nous pourrons être satisfaits.»

La Banque WIR et le vélo

De 2023 à 2025, la Banque WIR soc. coopérative est «premium partner» du Tour de Suisse et sponsorise le maillot du Prix de la montagne. Le Tour de Suisse – qui aura lieu en 2024 du 9 au 18 juin – est la plus grande manifestation sportive annuelle du pays et une grande fête du cyclisme célébrée par un très  large public qui a depuis longtemps adopté la grande tendance de fond que représente le cyclisme. Or, ce très large public est aussi le public cible des produits d’épargne et de prévoyance de la Banque WIR. Voilà pourquoi le média WIRinfo et d’autres canaux de communication s’intéressent au thème du cyclisme et à toutes ses facettes depuis février 2023.

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